Histoire

I. La découverte de la source thermale

« (...) Aujourd'hui que les résultats les plus certains attestent de la vertu curative des eaux de Mondorf, il convient d'apprendre à nos voisins de la France, de la Belgique, de la Prusse, qu'ils possèdent maintenant, à leur porte, un établissement de bains, dans son enfance encore, mais qui, dans peu de temps, nous n'en doutons pas, aura acquis l'importance que doit inévitablement lui assurer, la bonté désormais incontestable de ses eaux. »

« (…) il faut aussi nous en féliciter au point de vue de l'intérêt du pays, car, disons-le sans jeu de mots, les eaux de Mondorf seront infailliblement une source de prospérité pour la contrée qui les renferme. » Ces deux extraits datant de 1847 témoignent, à peine quelques mois après la découverte d'une source minéralisée s'avérant avoir des qualités curatives, qu'on se rend rapidement compte du caractère bénéfique de cet événement. Le modeste et insignifiant village se situant au sud-est du pays et à la frontière française, voit en effet son destin changer quasiment du jour au lendemain.

Les origines Mais comment en est-on arrivé jusque-là?
Des travaux techniques de forage sont mis en œuvre en 1836 par la « Société Nationale Belge pour la recherche des richesses minérales dans le Grand-Duché de Luxembourg » sous la direction de Karl Gotthelf Kind (1801-1873) originaire de Saxe et dont l'objectif est de trouver un gisement de sel gemme La raison de cette recherche est simple à expliquer. Lors du Congrès de Vienne en 1815, le Luxembourg se retrouve non seulement amputé d'une partie de ses territoires mais son statut change en Grand-Duché devenant en outre possession personnelle du roi des Pays-Bas Guillaume Ier. Les habitants du Luxembourg héritent ainsi d'une série de taxes néerlandaises dont un impôt important sur le sel. À en subir les frais sont surtout les éleveurs locaux. En effet, ceux-ci se retrouvent dans l'impossibilité de saler leur jambon. Sachant que la majorité de la population à l’époque est constituée de paysans, il est évident que ces taxes constituent une véritable plaie pour l'ensemble de la société luxembourgeoise. Ainsi, on retrouve les plaintes suivantes dans une motion de 1820 présentée aux États provinciaux du Grand-Duché: « (…) C'est dans un temps où le peuple épuisé ne peut payer les contributions existantes, qu'on propose d'en créer de nouvelles (…) Je me bornerai à dire à vos seigneuries que les années 1814 et 1815, qui devaient être une nouvelle ère de bonheur pour nous, nous ont accablé de réquisitions et de vexations en tous genres (…). » D'ici vient la nécessité d'encourager la recherche de sel gemme sur territoire national afin d'échapper, en partie, aux impôts néerlandais.

Le forage à Mondorf, un signe du destin?
Le forage en question qui commence à la date du 17 juin 1841 au pied de l'Oelberg (ou du Galgenberg), endroit désigné par le notaire Mondorfois Ledure à cause d'un filet d'eau rougeâtre au goût salé y sortant depuis l'antiquité, ne rencontre pas le sel gemme espéré, mais une première source minéralisée est découverte à 460 mètres de profondeur et une seconde plus puissante à 502 mètres. Les tentatives afin d'obtenir un sel de cuisine à usage domestique échouent. Le Luxemburger Wort écrit quelques années plus tard à ce sujet: „Das Wasser, zu wenig reichhaltig an Kochsalz um (…) als Salzquelle benutzt zu werden, enthält nach den genauesten chemischen Untersuchungen alle Bestandteile eines höchst kräftigen und heilsamen Mineralwassers.“ C'est ainsi une nouvelle fois à l'initiative du notaire Ledure que l'on décide d'utiliser la source découverte à des fins curatives et qu'une « Société des Bains de Mondorf » voit le jour. Il est encore intéressant de constater que ces travaux de forage avaient été effectués à plusieurs endroits du pays comme à Cessange, Echternach et Besch-sous-Perl, mais que ceux-ci n'ayant pas rencontré le succès espéré, la décision fut prise de tenter un dernier forage à Mondorf. Ici Karl Gotthelf Kind fait rapidement parler de lui et les journaux ne manquent pas de chanter ses louanges. Ainsi, lorsqu'on évoque les travaux du puits artésien de Mondorf, on nous affirme: « Son exécution prompte et peu coûteuse, au moyen d'un appareil de sondage aussi ingénieux que simple (la sonde à outil libre), a placé M. Kind au rang des premiers sondeurs de l'Europe. Travailleur modeste, M. Kind s'est voué dans le silence à l'étude de son art, et plus heureux que ses riches et savants confrères de la France et de l'Allemagne, il a réussi à simplifier peu à peu le sondage, à en écarter les défectuosités une à une, et à l'amener enfin à un état de perfection, dont la science avait prévu la possibilité en théorie, mais que les praticiens avaient vainement cherché à atteindre. »

II. L'ouverture du premier bâtiment thermal

Création de la « Société des Bains de Mondorf »

Il est intéressant de noter que des personnes ont pu profiter des eaux de Mondorf bien avant l'ouverture du premier bâtiment thermal. Ainsi, on nous apprend que: « (…) pendant les derniers travaux, sur le conseil de leurs médecins, plusieurs personnes commencèrent à faire usage extérieur ou intérieur des eaux de Mondorf: bientôt l'on fit transporter des baignoires sur les lieux, et bientôt aussi l'on fut convaincu de l'effet salutaire de ces eaux. » À en croire le contenu de l'article, on attribue à l'eau de Mondorf des capacités quasiment miraculeuses: « La réputation des eaux de Mondorf se répandant alors de plus en plus, l'on accourut de près et de loin, et des visiteurs dont la maladie avait résisté à l'emploi répété de bains célèbres, trouvèrent leur guérison à Mondorf: on y nomme encore des individus qui ne pouvant marcher, y étaient transportés en voiture, et qui ont retrouvé l'usage complet de leurs mouvements. »

C'est à partir de ce moment au plus tard que l'on songe à réaliser des bains publics, pouvant être utilisés par le plus de monde possible. « (…) la société arrêta dans sa dernière assemblée générale l'établissement de bains publics, à Mondorf, et elle vient d'acheter, autour de la source, des terrains étendus, pour les bâtiments ainsi que pour jardins et promenades. »

C'est ainsi que la « Société des Bains de Mondorf » est constituée L'article du Courrier se poursuit en présentant la découverte dans le petit village de Mondorf comme un signe du destin ; ceci pour diverses raisons: « Mondorf (...) à trois lieues de Thionville, à trois lieues de Luxembourg, avec des routes pour arriver dans ces deux villes, sur la limite de France, à une lieue du charmant bassin de la Moselle, à côté de la ligne projetée du chemin de fer, et à cheval sur une route nouvelle en construction. Mondorf est un beau village d'une situation pittoresque, d'un climat extraordinairement doux. » Outre ces différents aspects avantageux, l'article en ajoute un autre non négligeable pour les futurs baigneurs, à savoir: « le village de Mondorf renferme des auberges et des logements suffisants et convenables, tout comme le village d'Altwies qui en est voisin. »

Afin de pouvoir exploiter la source minéralisée, qui prend le nom de source Kind en hommage à son découvreur, un bâtiment, ainsi que des installations appropriées sont réalisés d'après les plans de Jean-Francois Eydt, architecte de la ville de Luxembourg.L'ouverture des bains est présentée dans un premier temps notamment dans l'édition du 12 juin 1847 du Courrier du Grand-Duché de Luxembourg: « L'administration de l'établissement thermal de Mondorf, porte à la connaissance du public, que les bains seront probablement ouverts dans le courant de la semaine prochaine, et que le bruit qui avait été répandu sur le tarissement de la source n'est pas fondé. » Dans le même journal, on retrouve quelques jours plus tard une information bien plus précise à propos de cet événement tant attendu: « La société pour la richesse des eaux minérales dans le Grand-Duché porte à la connaissance du public que les bains d'eau thermale (…) de Mondorf sont ouverts à partir de demain dimanche, 20 juin, et qu'on pourra en faire usage tous les jours de quatre heures du matin à dix heures du soir (…). »

L'inauguration officielle, quant à elle, a lieu le 27 du même mois et pour la petite anecdote évoquons que la première personne ayant eu le privilège de pouvoir se baigner dans l'une des nouvelles installations a été Amélie Ledure, fille du notaire de Mondorf.

L'événement en question est célébré dignement, à en croire les journaux: « Dimanche dernier a eu lieu l'inauguration des bains de Mondorf; une foule de monde s'était rendue de la ville et des environs à Mondorf, pour assister à cette fête; les actionnaires de l'établissement thermal s'étaient réunis avec leurs invités à l'hôtel des bains, où un dîner de 70 couverts était servi. Après le repas, toute la société s'est transportée, musique en tête, près du bâtiment des bains, où des danses ont terminé la fête »

Malgré cet aspect festif l'article ne manque pas de porter l'attention sur un fait qui pourrait compliquer la venue de baigneurs: « Il est regrettable, que les chemins pour arriver à Mondorf soient si mauvais, qu'il est presque impossible d'y arriver en voiture. » Afin de pouvoir rapidement remédier à cette situation, on nous apprend que Maître Ledure a fait une motion aux États Généraux demandant une amélioration des chemins autour de Mondorf. Le journal estime que si cette motion devait rapidement être exécutée: « (…) cette localité deviendra alors un point de réunion, le dimanche surtout, pendant toute la saison des bains. On assure qu'il sera établi un service régulier d'omnibus, entre Luxembourg et Mondorf. »

Des débuts très prometteurs

Les bains viennent donc d'ouvrir leurs portes et des baigneurs commencent à accourir voulant tester ces eaux dont on dit tant de bien: « Les bains thermaux de Mondorf sont à peine ouverts depuis trois semaines, et déjà l'on est accouru en foule de tous les côtés pour profiler des eaux salutaires de ce nouvel établissement. Plus de cent baigneurs sont en ce moment établis à Mondorf, et plus de 1400 bains ont été pris depuis l'ouverture. »

À peine une dizaine de jours plus tard, après la publication de l'article précédent, on informe le lecteur que le chiffre évoqué auparavant a quasiment triplé: « Le chiffre des bains pris à Mondorf depuis l'ouverture de la saison est aujourd'hui de 3,800. »Ceci implique que l'on se tourne avec plein d'optimisme vers l'avenir: « Les travaux se poursuivent activement, et il n'y a pas de doute que l'affluence des baigneurs sera à la prochaine saison le double de ce qu'elle a été cette année. »

Le fait que l'on présente ces eaux comme pouvant guérir des personnes de façon quasi miraculeuse, ne fait bien évidemment qu'accroître la venue de baigneurs luxembourgeois et étrangers: « Dernièrement encore une personne y est arrivée qui depuis nombre d'années n'avait plus marché; il fallait la porter chaque jour au bain; après le huitième bain, elle a pu marcher seule du bain jusqu'à la fontaine thermale, et aujourd'hui son état est si sensiblement amélioré, qu'elle a lieu d'espérer une guérison radicale. Ce fait n'est pas nouveau et s'est déjà présenté plusieurs fois à Mondorf. »

Un service de transport, indispensable pour des baigneurs ne provenant pas de Mondorf ou ses alentours, voit également le jour: « Un service provisoire d'omnibus vient d'être établi entre Luxembourg et Mondorf; ce service qui va deux fois par semaine, les jeudis et les dimanches, rend les communications avec Mondorf plus faciles et moins coûteuses. Sous peu, ce service marchera régulièrement tous les jours. »

Outre des débuts prometteurs pour les bains de Mondorf, notons encore que l'hôtellerie du village semble connaître un succès important dès le début: « Disons encore que les maîtres d'hôtels de Mondorf ont fait des sacrifices pour loger convenablement les baigneurs, et que ceux-ci se louent tous du service des hôtels ».

Le rôle clé du Dr. Schmit

Pour conclure ce bref aperçu sur les débuts du thermalisme, nous pensons qu'il est encore nécessaire d’évoquer le rôle joué par le Dr. Nicolas Schmit (1814-1870), autorisé à pratiquer la médecine dans le Grand-Duché à travers un arrêté du Conseil de gouvernement du 2 octobre 1846 Schmit, premier directeur de l'établissement thermal, est considéré comme le véritable fondateur du thermalisme à Mondorf pour lequel il se voue corps et âme, comme le témoignent ses nombreux « compte-rendus des bains de Mondorf » pour les différentes saisons, ainsi que sa publication intitulée « Notice sur les Eaux Thermales de Mondorf et leurs Vertus Thérapeutiques ». Dans la troisième édition de celle-ci, il écrit dans sa préface: « Dans tous les temps, chez tous les peuples, les bains ont été considérés comme un puissant moyen d'hygiène, et les eaux minérales comme le remède à un grand nombre de maux. Aussi la plupart des sources étaient-elles consacrées à Hercule, le Dieu de la force. »

L'historien Emile Diederrich nous apprend encore à son sujet ce qui suit: „An Hand der Erfolge, die mit den mehr oder weniger verwandten Wässern und Bädern von Kreuznach, Homburg (…) erzielt worden waren, entwarf Dr. Schmit mit Sicherheit und vollem Erfolg die Grundlage der Mondorfer Kurmethoden. Seine Schriften über das Wasser und die Nutzanwendung sind mustergültig (…) Die Bäderfrage begeisterte ihn in außerordentlicher Weise“

Au fil des années et des décennies, la rive se trouvant du côté gauche du fleuve Gander s’est donc vue transformée en une station thermale dont le développement et les bienfaits n'ont pas manqué à faire parler d'elle et ceci jusqu'à nous jours, bien au-delà des frontières luxembourgeoises.

David VITALI